Un cri dans la tempête

Le vent s'était levé depuis plusieurs heures et avait même forci depuis un moment. Les bourrasques soulevaient de grandes masses de sable, rendant toute progression particulièrement pénible. Leurs hurlements rendaient vaine toute tentative de communication orale, qu'elle soit directe ou par la radio. Et la lutte de chaque instant pour faire un seul pas annihilait toute envie de gestes inutiles. D'autant que la préoccupation principale était de maintenir les manteaux aussi hermétiques que possible, pour limiter la quantité de sable s'ajoutant au poids de l'équipement. Personne n'aurait voulu se confronter à tel déchaînement. C'était pourtant le moyen le plus sûr pour voyager : les bêtes se tapissent quand le vent souffle.

À travers l'interminable mur de sable et de vent, cinq silhouettes portant de lourds sacs avançaient en file indienne. La tempête avait effacé tout repère. Ils étaient perdus.

[...]

La tempète de sable faisait rage au dehors. Cela faisait maintenant bientôt quinze heures qu'une jeune femme à l'apparence humaine était enfermée dans une cellule. Seule une fissure nette au plafond laissait passer un peu de lumière... Entre ses quatre murs de béton armé, la pauvre jeune femme se lamentait, ses sanglots étant couverts par le monstrueux bruit du vent au dessus...

Des pas retentirent... Quelqu'un derrière la porte. Les cinq sécurités de l'entrée massive de la cellule se déverrouillaient les uns après les autres. Cette pièce avait très certainement était conçue pour y enfermer des personnes violentes et puissantes... La porte finit par lentement s'ouvrir, dans un bruit monstrueux.

La lumière éblouit la jeune femme qui se cacha les yeux le temps de s'y habituer... Un homme se tenait debout à l'entrée. Il était petit, gros et vêtu d'une blouse blanche tachée de sang à mains endroits. Son visage était plus laid que celui du plus laid de tous les mutants, il était chauve et portait des lunettes aux verres très épais. Il avait un air de savant fou, un regard effrayant, une attitude malsaine, la pauvre prisonnière eut très peur en le voyant... d'autant qu'elle donna l'impression de ne pas être confrontée à lui pour la première fois...

"Mmh. Apportez ce spécimen au labo."

Il s'en alla, laissant place à deux humains en blouse eux aussi, mais ceux-ci paraissaient bien plus normaux et moins malsains que le précédent. L'un d'entre eux sortit un taser et tira sur la jeune femme qui s'évanouit aussitôt...

Lorsqu'elle se réveilla, elle était dans une cuve remplie d'un liquide verdâtre, elle arrivait parfaitement à voir à travers et avait un masque pour respirer... Elle put écouter la conversation des deux scientifiques.

"Il est complètement fou de reprendre ses expériences... Surtout sur elle...
-On devrait foutre le camp d'ici avant qu'il nous prenne nous aussi comme cobayes...
-Non... Non, pas nous, je ne crois pas qu'Hojo..."

Au même moment, le-dit savant entra dans la pièce, surprenant par-là même la conversation de ses deux assistants.

"Pas Hojo. Professeur Hojo, mes petits. Alors, comment se porte mon précieux spécimen ?
-Euh... Oui, professeur... Eh bien... Tout semble en ordre...
-Parfait ! Je vais pouvoir reprendre où j'en étais..."

L'homme de tête avisa ses compagnons d'un simple signe du bras : il venait d'apercevoir une imposante forme sombre au loin. Sans doute un bâtiment des temps anciens. Il s'en approchèrent aussi vite que leur permit la fureur des éléments. La masse floue devint bientôt les ruines de ce qui avait pu être un poste avancé. Mais le temps avait fait son œuvre et rien à l'extérieur ne témoignait plus de sa fonction précise. Ils pénétrèrent par une grande porte gardée entrouverte par un monticule de sable. Chaque mètre à l'intérieur éloigna d'autant l'enfer du dehors. Le groupe trouva refuge dans une salle relativement préservée. L'un d'eux pesta en même temps qu'il retira sa capuche :

"Pourquoi c'est toujours au pire moment qu'on a droit à une tempête ?"

La question n'attendait à l'évidence aucune réponse et personne n'ouvrit la bouche.

L'homme avait la quarantaine. Sa sombre barbe fournie et soigneusement entretenue contrastait avec son crâne dégarni. Il n'était ni particulièrement grand, ni véritablement robuste, mais il avait une présence et un charisme qui faisaient de lui un leader naturel. Sa voix puissante résonnait dans la pièce vide.

Il s'approcha des sacs regroupés dans un coin et poursuivit sur un ton plus las :

"Y en a au moins la moitié de foutue. C'est pas comme si on en trouvait partout, du polyflixène."

L'un de ses compagnons était resté à l'écart, étudiant un panneau dans le mur. Il se retourna :

"Y a du courant ici."

Tous le fixèrent, étonnés.

[...]

Le panneau laissait entrevoir une faible lumière.
Aofborn, un homme en pleine force de l'age, retira sans peine la lourde plaque de métal, les fixations étaient brisées depuis longtemps.
Il eut un léger sourire en observant l'intérieur. Un bricoleur était passé par là et les fils étaient entremêlés d'une façon indescriptible. Il n'aurait sans-doute pas fait mieux.

"Tss ... , un vrai travail d'amateur."

Il identifia rapidement deux extrémités de câbles dénudés, et rétablit le contact entre elles. Un léger grincement commença à ce faire entendre.

"Maintenant qu'on y est, ce serait bête de n'pas s'inviter."

Aofborn jeta un regard malicieux au reste d'équipe. Ils regardaient -impuissants- le « mécano » du groupe faire son oeuvre.
Une portion de mur glissa lentement, laissant entrevoir un passage sombre.

Une jeune femme en début de vingtaine suivait le petit groupe de membres de l'Armée des Justes depuis plusieurs jours dans le but de se joindre à ce clan dont elle honorait les croyances. Celle-ci suivi le groupe lorsqu'ils firent leur entrée dans la bâtisse. Étant la dernière à entrer, elle referma la grande porte derrière elle, les coupant du vent et du sable à l'extérieur.

Lorsque ses yeux se furent accoutumés à la lumière jaunâtre du couloir, elle grimaça. Cet endroit ne lui plaisait pas du tout, avec ses murs tachés et déguelasses. Alors qu'ils s'avançaient sur le plancher de tuiles usées et trop sales pour qu'on puisse en distinguer la couleur originale, ils croisèrent quelques portes de métal dont les petites fenêtres étaient garnies de grillages.

Certaines des minuscules fenêtres étaient presque opaques et la jeune femme voulut ne jamais découvrir de quoi elles étaient couvertes tant ça semblait douteux.

Le système de ventilation se déclencha soudainement et un bruit de cognements s'ensuivit, les tuyaux lousses prouvant l'état de déterioration de l'immeuble.Le groupe passa en dessous d'un tuyau dont s'échappait de l'air frais, accusant ainsi la présence de trous dans les vieux conduits de métal.

Cette bâtisse avait résisté à l'apocalypse, mais décidément, ceux qui y vivaient n'en prenaient pas très soin. Il semblait qu'aucune réparation n'aie été effectuée sauf celles qui étaient obligatoires, et celles-là étant mal faites à en juger la réaction d'Aofborn face au panneau électrique. Décidément, cet endroit n'inspirait pas la confiance de la jeune femme.

La pauvre jeune femme avait le corps comme brûlé et les veines qui parcouraient son corps étaient très nettement visibles, seul son visage avait encore l'aspect humain, certainement étaient-ce les séquelles de sa première rencontre avec le scientifique...

Elle avait peur, très peur. Elle ferma les yeux tandis qu'Hojo "l'admirait"...

"C'est magnifique... Je suis un génie, mon expérience était une totale réussite ! Essayons maintenant en lui injectant du HK-2 !"

Il prit une seringue remplie d'un liquide violet, la piqua dans un des petits tubes qui reliait une étrange machine avec la cuve et y envoya le liquide violacé.

La prisonnière de sa cage de verre rouvrit les yeux et regarda Hojo droit dans les siens en fronçant les sourcis... Elle se concentra cinq seconde puis eut l'air dépitée...

"Eh oui ! J'ai prévu le coup cette fois, j'ai neutralisé tes pouvoirs psychiques pour quelques heures !"

De leur côté, les deux assistants d'Hojo chuchottaient.

"Alors, tu l'as bien mis ?
-Ouais, si tout se passe comme prévu, elle devrait redevenir totalement humaine, Hojo vient de lui injecter le produit sans s'en rendre compte...
-On va enfin voir si toutes ses années aux côtés de ce tarré nous auront servi à quelque chose...
-Pourvu que ça marche... Ce serait si bien...
-Bon ! Les jumeaux ! Arrêtez les messes basses et occupez-vous de..."

Soudain, il fut coupé par le bruit de la ventilation qui démarrait.

"Qu'est-c'que... Mmh... Que l'un de vous aille prévenir les trois autres crétins, qu'ils aillent à l'armurerie s'équiper et qu'ils aillent vérifier ce qui se passe... Ensuite, fermez la porte du labo avec tous les vérrous... C'est peut-être les hommes de Gast..."

L'un des deux assistants s'exécuta sur le champ...

C'est alors que la jeune femme dans la cuve commença à se tordre de douleur... Hojo la regarda avec un grand sourire sur les lèvres...

"Héhé... ça commence !"

L'assistant qui était resté auprès d'Hojo semblait inquiet, il regardait avec attention la prisonnière...

Petit à petit, celle-ci retrouvait son aspect humain... Hojo semblait dépité tandis que son assistant arborait un sourire qu'il avait du mal à réprimer... Quand elle eut fini de se tordre, elle était redevenue complètement humaine, de l'extérieur en tous cas... Elle avait le corps d'une magnifique jeune femme rousse...

Hojo ne comprenait rien, il se demandait ce qui avait bien pu se passer... Son assistant avait maintenant le sourire jusqu'aux oreilles, il jeta un oeil à l'électro-encéphalogramme, il sembla soudain dépité... Les courbes qu'affichaient la machine qui étaient avant répétitives et identiques étaient maintenant complètement différentes, elles s'affolaient...

"Que... ?
-Mais qu'est-c'que j'ai fait qui n'a pas marché ?! Moi, Hojo, le plus grand génie de l'univers ! Qu'ai-je raté ?! Non... Cela ne peut être de ma faute... C'est la tienne !
-De quo...
-OUI ! C'EST TA FAUTE !"

Il sortit un 9mm et visa son assistant...

"Mais... Professeur... Je..."

De son côté, la jeune femme semblait heureuse, elle avait retrouvé son corps d'antan...

"TA FAUTE !!"

Un coup de feu retentit... La pauvre prisonnière était soudain effrayée, ce cinglé pouvait la tuer quand il voulait...

À ce moment, toutes les personnes qui étaient dans le complexe, les gardes, Hojo, son dernier assistant et le groupe qui s'était invité entendit un cri strident dans son esprit...

"À L'AIDE !!"

La jeune femme avait toujours ses pouvoirs, leur puissance avait même décuplée...

Le groupe déambulait dans le dédale de couloirs, suivant tant bien que mal ce qu'ils avaient pu déchiffrer des restes des plans fixés un peu partout sur les murs. Ils passèrent de longues rangées de portes, puis une série de ce qui avait pu être des laboratiores. De grandes portions du bâtiment n'étaient pas éclairées. Il traversèrent notamment, au moyen d'une passerelle courant le long du mur, un vaste hangar plongé dans l'obscurité. La lumière des lampes torches ne parvenait pas jusqu'au sol.

Ils doublèrent un autre plan, sans s'arrêter.

"Dans un bâtiment manifestement secret, rien ne prouve que les plans sont d'une précision absolue."

Les couloirs se succédèrent encore quelques instants, puis ils aperçurent une salle éclairée. Après un rapide coup d'œil à l'intérieur, le groupe pénétra dans la pièce.

Agencées dans un ordre tout à fait relatif, des machines étranges côtoyaient des piles de papiers instables et des substances vaguement identifiées. Quelques bocaux hermétiquement fermés préservaient de la décomposition des échantillons de tissus et même quelques organes. On pouvait lire ici ou là sur des étiquettes des commentaires comme "n°17 - raté", "n°22 - complètement raté" ou "n°29 - SALOPERIE !!!". L'écriture était imprécise et même très chaotique par moments. Parmi ce qui semblait être des rapports, on trouvait un certain nombre de pages comportant un seul mot, écrit en gros : "MERDE". D'autres encore étaient écrites en double ou comprenaient le même mot, écrit en des centaines d'exemplaires dans tous les sens. L'investigation du lieu était rendue difficile par l'absence totale d'une logique cohérente. Néanmoins, parmi les incompréhensibles et interminables listes de symboles et équations, revenait souvent le même terme : mutation.

L'un des membres du groupe ne put retenir un cri de surprise : il venait de découvrir sous un drap une grande cuve remplie d'un liquide verdâtre. Maintenu en suspension dans cette substance, se trouvait ce qu'une petite inspection finit par identifier comme étant un corps ravagé par des difformités immondes. D'étranges protubérances affleuraient en surface, des tâches sombres parsemaient la peau, de trous béants ressortaient les organes internes. Il était difficile de déterminer de quelle créature ce corps provenait à l'origine. Mais une chose était certaine : ses souffrances avaient dû être intolérables. Une étiquette indiquait simplement : "n°32 - chef-d'œuvre".

L'homme à la barbe ne put s'empêcher de proférer :

"Mais qu'est-ce que c'est que ce bordel ?!"

Une fois encore, aucune réponse ne vint. Cette fois-ci cependant, toutes les bouches étaient ouvertes.

Tout à coup, sans comprendre d'où cela pouvait provenir, chacun ressentit une brusque et violente oppression cérébrale, une sorte de hurlement provenant de l'intérieur même du crâne. La voix appelait au secours. La douleur était intense. La vue se brouillait et les sons s'éloignaient ; les sens ne devenaient plus qu'une information secondaire.

Il fallut quelques instants pour se rendre compte qu'une rafale de fusil automatique venait de retentir dans la pièce.

[...]

Effroi, changement d'ambiance, le fusil automatique imposait une nouvelle cadence.
L'adrénaline aidant, les différents membres de l'armée se jetèrent à l'abri – avec plus où moins de succès- des tirs provenant de l'entrée de la pièce.

Une réponse, n'importe quoi, 'question de survie et d'amour propre.
Kithara commença par lancer une bouteille quelconque du labo vers l'assaillant. Le récipient ce brisa sur le torse son torse, et son liquide s'évapora immédiatement dans une volute blanche.
L'effet surprit tout le monde, et en premier lieu la cible qui commença à suffoquer en lâchant son arme. Il tenta immédiatement d'évacuer les lieux.

Trop simple, le destin exigeait ça part de sang.
Gorn, le bras droit d'Alec était né pour briller dans ce genre de situation. C'était maintenant son pistolet lourd sonnait le rythme. Tirant à travers le mur pour stopper le fuyard.
Puis le silence, presque, juste un bruit sourd dans le couloir.
La situation semblait à nouveaux sous contrôle, on ce dépêcha pour voir ce qu'était devenu l'ennemi.

« Il respire encore, on va pouvoir l'interroger. »

Le calme était revenu, mais le décor avait changé. Quelques cuves avait été fracassé durant l'assaut. Parmi les rebuts d'expérience répandus au sol, on pouvait maintenant distingué un visage familier.

« Chef, ... on a perdu un homme.»

La confusion fit rapidement place à la consternation. L'homme à la barbe se précipita dans la direction d'où venait la dernière voix. Il aperçut le corps gisant dans le liquide immonde, lequel se répandait lentement ; une odeur pestilentielle venait d'ailleurs d'envahir la pièce. Il se pencha sur son compagnon. Une série de blessures formait une ligne le long de son torse, de bas en haut. La dernière balle avait atteint l'œil droit. Il posa la main sur le visage encore chaud ; aucun mouvement ne vint perturber le rictus de surprise qui s'y était figé. Il ne put prononcer un mot. La tristesse dans son regard fut d'un coup chassée par un gémissement provenant du couloir. Son sang ne fit qu'un tour et déjà il était sur place.

Celui qui devait être un gardien des lieux s'était effondré et appliquait désespérément une main tremblante sur son abdomen qui déversait des quantités de sang ne laissant planer aucun doute sur l'issue de la situation. L'homme à la barbe, l'expression rageuse, lui hurla presque dessus :

"C'est quoi cet endroit ?
- Je... Je voulais pas tirer. La... La voix... Ah !"

De sa main libre, il se tint le crâne un instant. Puis il reprit ses esprits et fixa son interlocuteur d'un regard affolé.

"Il faut l'arrêter ! Il est fou !
- Qui ça ? Qui est fou ?
- Hojo !"

L'espace d'un instant, l'homme à la barbe eut une expression de surprise. Sa colère retomba d'un cran.

"Qu'est-ce qu'il se passe ici ?
- Il fait des... expériences. Sur des cobayes..." Il hésita un moment avant de finir sa phrase : "...humains."

Un silence pesant s'installa brusquement. Mais rapidement, l'interrogatoire reprit :

"Quel genre d'expériences ?"

La sueur coulait abondamment sur le visage du garde. Son souffle était aussi devenu bien plus court.

"La... Mutation. S'il... vous plaît... ar... arrêtez..."

Il vomit son propre sang. Ses yeux se révulsèrent, ses bras devinrent flasques. L'homme à la barbe lui referma les paupières, puis émit un profond soupir.

Il se releva enfin et se mit à chercher du regard.

"Aofborn ! Où est-il ?"

[...]