[BG] La petite fille et le grand monsieur

Escale à Vangrim

Un sifflement strident se fit entendre et un nuage de sable s’engouffra dans une ruelle de Vangrim, fouettant le visage des rares passants qui déambulaient dans cette venelle commerçante. Le vent, issu des grandes plaines désertiques, imposait sa présence dans la ville du Second Eveil.
Un grand humain au regard sévère était la proie de ces caprices météorologiques mais, lui, se sentait surtout victime des caprices des décisionnaires de l’ordre. Tomas Torquemada avait reçu pour mission de parfaire l’éducation de la petite fille qui lui tenait la main. La mère supérieure l’avait enjoint de quitter le couvent pour lui faire découvrir le monde extérieur. Torquemada n’aimait guère se mélanger à la populace et il haïssait par-dessus tout la proximité des dégénérés mais sa supérieure s’était montré inflexible et l’allégeance à l’ordre exigeait qu’il porte ce fardeau malgré ses propres réticences.
Une nouvelle bourrasque le fit grimacer et baisser les yeux vers cette enfant, source de son épreuve. Les yeux de la gamine vagabondaient avec curiosité et plaisir. Torquemada ne comprenait pas qu’on puisse la mettre en péril alors qu’il aurait été tellement plus simple de la laisser s’épanouir intellectuellement au contact des membres de l’ordre et des livres dont regorgeaient le couvent.
La sagesse s’apprend au contact de la vie et à travers les épreuves, Révérend, ainsi doit il être pour Lilianna et si elle devait succomber à ce test, alors c’est que nous serions dans l’erreur à son sujet.
Ainsi en avait décidé la mère supérieure et la vie de Tomas Torquemada ne valait pas trippettes en rapport des hautes décisions de l’ordre.

Au grand air

Lilianna avait appris son départ pour Vangrim avec un grand soulagement. Depuis sa naissance, la petite fille n’avait jamais eu l’occasion de goûter aux joies de la vie extérieure et l’existence au couvent lui pesait.
Le révérend Torquemada avait été désigné pour lui servir de tuteur. Le grand ascète lunatique ne semblait guère emballé à l’idée de veiller sur elle. Il s’était toujours montré acide envers le peuple du désert qu’il considérait comme un ramassis d’arriérés qu’il fallait éviter à tout prix. En premier lieu de ses griefs venaient les mutants qu’il avait élevé au rang de rebuts de la race humaine, des pêcheurs punis par une main divine.
Avant leur escale à Vangrim, Torquemada avait mis en garde Lilianna contre les préceptes tendancieux du Second Eveil et leur tolérance aveugle et fallacieuse :
Ne te laisse pas dorloter par les paroles faciles des faux tolérants, jeune enfant, et rappelle toi les principes qui guident notre ordre. De notre esprit critique naîtra la seule vérité, celle qui est inspiré du divin.Le séjour à Vangrim s’était passé sans anicroche malgré les soupçons permanents du révérend. Lilianna s’était émoustillée de l’ambiance particulière qui régnait dans les rues et les commerces de la cité. Sa facilité d’élocution et son visage chérubin avaient joué à merveilles pour faciliter le marchandage. Elle se sentait plus à l’aise que jamais au contact de ces étrangers et elle aurait volontiers traînée dans Vangrim pendant des semaines mais Torquemada n’était pas de cet avis.