[Correspondance]

A toi, Istar, cinquième lever de lune depuis mon départ.

Douce petite sœur aux yeux gris, mon départ t’a fait mal, je le sais. C’est pour cela que j’ai laissé quelques jours s’échapper avant d’oser te contacter.
Ne m’en veux pas, amour, j’avais besoin de m’éloigner. J’ose supputer que ces quelques journées loin de moi ont fait taire ta rancœur, et que tu ouvriras cette missive avec un sourire aux lèvres.
Je t’aime, petite sœur, plus que tout.

Les étoiles resplendissent de beauté à cette heure et je ne vois ce que je marque sur ce parchemin que grâce à leurs lueurs. Il est si dur de se balader seule, mon amour, le noir de la nuit effraye tant.

Je serais de retour à Vangrim sous peu, mes recherches n’ont rien donné. Quelle imbécile ai-je été… Croire un boniment de vieillard, ô oui, tu peux rire de moi Istar, ton aînée va revenir les mains vides… Ou pas tout à fait.
J’ai ramené de quoi me fournir en trousses de secours pour un petit moment.
Oui, petite sœur, je n’ai point oublié mes idéaux, et si ma croyance en l’être humain te désespère, j’en suis navrée.

Je vais, dès mon retour, commencer une étude approfondie du corps de l’être humain, avant que de me pencher sur les éveillés et les rocs. Le travail qui se profile ne sera pas de tout repos, mais j’ose espérer qu’il pourra servir. Pour pouvoir bien soigner, il faut connaître ce que l’on veut réparer, n’est ce pas ?
Je ne saurais te dire en avance si j’arriverais à faire un tel traité, mais je me dois de le commencer. Peut être qu’un jour, il finira au milieu de ces si chères décombres que je cherche chaque jour ?
Ô que tu dois rire, adorable petite sœur, ou bien me croire folle. Les gens pour toi ne valent pas autant que ta bécane, je le sais bien…

Je t’aime.

Saya

A toi, Istar, dixième lever de lune depuis mon départ.

Comment te portes-tu ?
Je n’espérais nulle réponse à ma dernière lettre, et n’en n’ai reçu. Tout va bien, n’est ce pas ? « Pas de nouvelles, bonnes nouvelles » comme disait notre Père.
J’avoue que tout de même, secrètement, j’aurai voulu recevoir de tes doigts un petit mot, ne serait-ce que pour me dire que tu m’avais pardonné…
Ô Petite sœur à la peau salée, ton silence m’a toujours rendue si folle.

Apprend tout de même que je ne regrette mon voyage. Même si je n’ai trouvé les ruines du vieux fou à étudier, j’ai vu des merveilles que mes yeux ne sont pas prêts d’oublier.
J’ai commencé à dessiner, sur un parchemin usagé, une carte de mes voyages, je te la ferais parvenir, si tu la désires.
As tu été faire un tour au marché, trouver les vieilleries que je t’avais demandé avant mon départ ? Je l’espère fortement.
Tu sais bien que j’en raffole…

Ne m’en veux pas ma douce, si tu n’entends rien à mes passions, je ne comprend pourquoi tu passes tant de temps à reluquer ta moto comme si c’était un homme et que lui seul pouvait t’apporter les jouissances que tu recherches.

Je suis finalement en retard sur mes prévisions et ne rentrerais avant un bon moment.
Il y a trop à étudier et à soigner dans ce coin… Ô si tu voyais tout cela mon amour…

Je t’aime

Saya

A toi, Istar, quinzième lever de lune depuis mon départ.

La lune est pleine ce soir, et j’ai pour la première fois, osé allumer un feu.
Je ne sais si j’ai bien fait mais qu’importe, il fait tellement froid… Finalement, je crois que je vais commencer mon Traité Des Corps par le mien. Avec les maintes blessures que je me fais, je ne devrais avoir de mal à le remplir !
Et puis… Je n’ai pas d’exemple humain sous la main.

Ne t’inquiètes pas, je t’en prie, je ne m’ouvrirais pas de partout pour voir ce que j’ai à l’intérieur de mon ventre ou de mes cuisses, je n’en suis pas encore là ! Mais avoir une vision globale de ma personne m’aidera peut être mieux à comprendre, encore une fois je te le répète, mes douleurs, et à mieux pouvoir les faire disparaître.
J’aimerais comprendre tout ce que les sages femmes en ville ne savent pas, ce que le rebouteux que Père nous faisait antan consulter ne comprend pas.

Ô Petite sœur, te suis-je compréhensible ? Je l’espère. Cela me tient tant à cœur, et je ne sais trop à qui le faire partager.

Je t’aime.

Saya